Un mal de tête, une énigme médicale, et un python : découvrez l’histoire d’un parasite qui a pris un chemin inattendu.
Dans le domaine de la parasitologie, chaque cas clinique est une fenêtre ouverte sur les complexités des interactions entre l’hôte et le parasite. Récemment, une situation particulièrement intrigante est apparue en Australie. Une femme de 64 ans, présentant des symptômes qui ont dérouté les médecins pendant un certain temps, est devenue le sujet d’une étude approfondie. La cause de ses maux ? Quelque chose niché profondément à l’intérieur de son cerveau. Mais comment un parasite peut-il se retrouver dans un tel endroit ? Et quel parasite pourrait bien être le coupable ? Dans cet article, nous allons explorer ce cas, en examinant les indices, les découvertes et les implications de cette histoire hors du commun.
Les symptômes et le diagnostic
Lorsque la patiente, une femme de 64 ans originaire du sud-est de la Nouvelle-Galles du Sud en Australie, a cherché de l’aide médicale, c’était en réponse à une série de symptômes qui, à première vue, semblaient sans rapport. Elle avait d’abord ressenti des douleurs abdominales persistantes accompagnées de diarrhée pendant trois semaines. Ces symptômes initiaux avaient été suivis d’une toux sèche et de sueurs nocturnes.
Les analyses sanguines ont révélé des anomalies notables. Elle présentait une numération élevée d’éosinophiles dans le sang périphérique, bien au-delà de la plage normale. D’autres indicateurs, tels que l’hémoglobine, les plaquettes et la protéine C-réactive, étaient également hors des valeurs normales, suggérant une inflammation et d’autres perturbations dans son corps.
Son historique médical comprenait des conditions telles que le diabète sucré, l’hypothyroïdie et la dépression. De plus, elle avait voyagé dans des régions comme l’Afrique du Sud, l’Asie et l’Europe il y a 20 à 30 ans, ce qui aurait pu être pertinent étant donné la nature de ses symptômes.
Une tomographie par ordinateur (CT) a été réalisée pour obtenir une image plus claire de ce qui se passait à l’intérieur de son corps. Les résultats ont montré des opacités pulmonaires multifocales entourées de modifications en verre dépoli, ainsi que des lésions hépatiques et spléniques.
Ces symptômes, bien que préoccupants, et les premières analyses (sérologie pour Strongyloïdes, tests de maladies auto-immunes) ne donnaient pas d’indication claire de la cause sous-jacente. Le diagnostic était alors celui d’une pneumonie éosinophilique d’origine inconnue et la patiente fut alors mise sous anti-inflammatoire (prednisolone).
La découverte du parasite lors d’une intervention chirurgicale
Alors que les médecins tentaient de comprendre l’origine des symptômes de la patiente, une série d’événements inattendus a conduit à une découverte surprenante. Trois semaines après, la patiente encore sous prednisolone a commencé à montrer des signes de troubles neurologiques. Elle éprouvait des difficultés à marcher, une faiblesse dans les membres et des troubles de la parole. Ces symptômes neurologiques ont rapidement évolué, nécessitant une hospitalisation.
Face à cette détérioration rapide, une imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau a été réalisée. L’IRM a révélé une lésion dans le lobe frontal droit du cerveau. Cette lésion, mesurant environ 3 cm, était entourée d’œdème et exerçait une pression sur les structures adjacentes du cerveau.
Devant la gravité de la situation, une décision a été prise d’opérer la patiente pour retirer cette lésion. Lors de l’intervention chirurgicale, les médecins ont été confrontés à une surprise de taille. Ce qu’ils pensaient être une tumeur ou une lésion inflammatoire s’est avéré être un parasite, un helminthe de 8 centimètres de long et d’1 millimètre de diamètre. Cet helminthe, un nématode, pour être précis, était logé à l’intérieur du cerveau de la patiente.
La présence de ce parasite dans une telle localisation était exceptionnelle. Les médecins étaient face à un cas rare, avec de nombreuses questions à résoudre. Comment ce parasite était-il arrivé là ? De quel type de nématode s’agissait-il ? Et surtout, comment traiter efficacement la patiente pour garantir sa récupération ?
Ophidascaris robertsi : de quoi s’agit-il ?
Après la découverte surprenante du nématode dans le cerveau de la patiente, il était essentiel d’identifier précisément de quel type de parasite il s’agissait. Les analyses ont révélé qu’il s’agissait d’Ophidascaris robertsi, un ascaris principalement associé au Python tapis (Morelia spilota).
Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut d’abord se pencher sur la biologie de ce parasite. Ophidascaris robertsi est un nématode principalement trouvé chez le Python tapis, considéré comme son hôte définitif. Dans le cycle de vie naturel de ce parasite, les œufs sont libérés dans l’environnement par les serpents infectés. Ces œufs sont ensuite ingérés par des petits mammifères, principalement des marsupiaux, qui servent d’hôtes intermédiaires. Dans ces hôtes, les œufs éclosent et les larves migrent vers différents tissus, où elles s’encapsulent. Lorsque le serpent mange l’hôte intermédiaire, les larves s’activent, mûrissent et complètent leur cycle de vie dans l’intestin du serpent.
L’homme n’est généralement pas considéré comme un hôte pour Ophidascaris robertsi. C’est pourquoi la présence de ce parasite dans le cerveau d’une personne est exceptionnelle. Les humains peuvent accidentellement ingérer les œufs du parasite, par exemple en consommant de la nourriture ou de l’eau contaminée. Cependant, au lieu de suivre le cycle de vie typique, le parasite peut se retrouver dans des sites atypiques, comme le cerveau, provoquant des complications médicales.
La découverte d’Ophidascaris robertsi chez cette patiente a soulevé de nombreuses questions. Comment a-t-elle été exposée à ce parasite spécifique ? Et comment a-t-il réussi à migrer vers son cerveau ? La réponse à ces questions nécessitait une enquête plus approfondie.
Source probable de l’infection
La découverte d’Ophidascaris robertsi dans le cerveau de la patiente a conduit les médecins et les chercheurs à enquêter sur la manière dont elle aurait pu être exposée à ce parasite spécifique. Étant donné que ce nématode est principalement associé aux Pythons tapis australiens, la première étape a été d’examiner le mode de vie et les activités de la patiente.
La patiente habitait près d’une zone lacustre habitée par des pythons tapis. Bien qu’elle n’ait eu aucun contact direct avec un serpent, elle ramassait souvent de la végétation indigène, la Tétragone cornue (Tetragonia tetragonioides), autour du lac pour cuisiner. L’hypothèse retenue est qu’elle avait consommé involontairement des œufs d’O. robertsi directement à partir de la végétation ou indirectement par contamination de ses mains ou de ses ustensiles de cuisine.
L’immunosuppression de la patiente du fait de l’absorption de prednisolone a peut-être aussi joué un rôle dans le déclenchement des signes neurologiques en permettant aux larves de migrer vers le système nerveux central.
En combinant ces éléments, la source la plus probable de l’infection semble être l’exposition environnementale dans sa région d’origine, à proximité des habitats naturels des Pythons tapis.
Traitement et suivi
Suite à la découverte du parasite, l’intervention chirurgicale a permis de retirer avec succès le nématode du cerveau de la patiente. Après avoir retiré la larve de son cerveau, la patiente a reçu des anthelminthiques et de la dexaméthasone pour traiter d’éventuelles larves dans d’autres organes. En effet, on sait que les larves d’Ophidascaris survivent longtemps chez les hôtes animaux.
Conclusion
Ce premier cas jamais publié d’une infection humaine par un Ophidascaris montre que, en tant que domaine qui étudie les interactions complexes entre parasites et hôtes, la parasitologie nous offre régulièrement des récits étonnants comme celui de cette patiente australienne. Ces histoires soulignent non seulement l’importance de la vigilance dans nos interactions avec la nature, mais aussi la richesse des découvertes qui nous attendent. Alors que nous continuons à explorer et à apprendre, rappelons-nous que chaque énigme résolue nous rapproche un peu plus de la compréhension du vaste monde des parasites qui nous entoure.
Pour une exploration plus approfondie, je ne peux que vous inviter à consulter l’article:
Hossain M, Kennedy KJ, Wilson HL, Spratt D, Koehler A, Gasser RB, et al. Human Neural Larva Migrans Caused by Ophidascaris robertsi Ascarid. Emerg Infect Dis. 2023;29(9):1900-1903. [https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/29/9/23-0351_article]
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